« J’aime l’entreprise ! », déclarait Manuel Valls lors de la dernière Université d’été du Medef. Mais de quelle entreprise parlait-il au juste ? Celle trop souvent ravalée au rang de «dispositif strictement financier dont la finalité est de maximiser une valeur actionnariale » ? Ou alors celle assemblant un groupe de personnes autour d’un projet collectif de création de richesses ? La question se pose tant la réduction de l’entreprise à la société des actionnaires est devenue une réalité dont les dégâts ont alimenté la chronique économique et sociale de ces dernières années. Certains y voient même l’origine de la crise que nous traversons. N’oublions pas qu’en droit, seule la « société » existe ; l’entreprise n’a pas de fondement juridique. Il y a dans cette situation un vide qui correspond à un vrai défaut de notre pensée collective. La réflexion sur l’entreprise redevient un enjeu politique. On l’a vu à propos du débat sur la compétitivité et la croissance, mais sans que toutes les dimensions de ce qu’est véritablement l’entreprise aient été appréhendées. Depuis déjà quelques années, un ensemble de chercheurs en sciences sociales (droit, économie, histoire, sociologie, sciences de gestion…) s’attachent à « refonder l’entreprise » et, en tout cas, à resituer sa place et la mettre en perspectives avec sérieux et rigueur. Faisant suite aux travaux initiés par le Collège des Bernardins, un important colloque a eu lieu à Cerisy en 2013 à l’initiative de Blanche Segrestin, Baudouin Roger et Stéphane Vernac. Un livre vient de paraître aux Editions Sciences humaines qui en rend compte avec des apports tout à fait passionnants et éclairants. Son titre « L’entreprise point aveugle du savoir » dit à la fois l’importance aujourd’hui de repenser l’entreprise et l’apport des sciences sociales pour sortir de cette réduction financière qui a bloqué la pensée dans la dernière période. Ces travaux féconds ne sont pas « hors sol ». La pluralité des disciplines sollicitées comme la participation de plusieurs dirigeants tels Antoine Frérot PDG de Véolia, Francis Mer ou de syndicalistes permettent de questionner utilement aussi bien la gouvernance que le rôle de tous ceux, à commencer par les managers, les salariés et leurs représentants, qui font aujourd’hui l’entreprise. On ne peut que souhaiter que ces réflexions essaiment et interpellent au plus vite politiques et praticiens d’entreprises.