La communication managériale, c’est à la fois en haut et en bas

La communication managériale est devenue un des volets parmi les plus importants de la communication interne. Preuve s’il en est que la fonction communication dans l’entreprise est bel et bien une fonction partagée et qu’elle ne concerne pas que les seuls communicants. Certes, l’implication managériale dans les processus de communication n’est pas une nouveauté, mais la place qu’elle occupe désormais est révélatrice des transformations de l’entreprise. Les besoins qui s’expriment aussi bien que les attentes du corps social doivent être situés à deux niveaux. En haut et en bas.

En haut, c’est clair, il faut une parole qui situe les enjeux et donne le cap. Parole managériale par excellence, la parole du dirigeant est en quelque sorte irremplaçable. On pourrait penser qu’elle relève de l’évidence. Or, la surprise est grande quand on interroge les salariés. Une minorité de salariés interrogés (42%) déclarent que leur Président/Directeur général prend la parole oralement. Pour 29% leur PDG /DG ne prend même jamais la parole ! C’est ce qu’a révélé une enquête Harris Interactive / Meanings en 2013. La surprise appelle analyse. On peut y voir plusieurs raisons. D’abord, le culte du secret a encore la vie dure dans tout ce qui a trait au domaine stratégique. Et les récentes tentatives européennes de réhabiliter le « secret des affaires » pourraient encore venir conforter cette ancienne et mauvaise habitude. Ensuite, il y a une forme de condescendance très française qui considère que les choses stratégiques et surtout financières ne concernent pas le commun. Trop ardues, trop difficiles… Enfin, il y a parfois une appétence, pour ne pas dire une compétence communicationnelle qui fait défaut du côté des dirigeants. Mais en vérité ces raisons, de plus en plus fragiles, ne résistent guère dans un contexte où l’on attend de l’entreprise et de celui qui la dirige une capacité tout à la fois de dire où on va et de rendre compte. Et les exemples de dirigeants qui réussissent dans cet exercice de communication managériale je ne dirais pas transparente, mais clarifiante montrent non seulement que c’est possible, mais que c’est devenu tout simplement indispensable.

En bas, la parole managériale est aussi requise, mais dans une autre configuration qui a à voir avec le travail, son appropriation et la reconnaissance de ses principaux protagonistes que sont les salariés. Mais il faut dire que la communication managériale de terrain a longtemps été considérée comme devant pour l’essentiel relayer la parole de tête. Un exercice de répétition et de démultiplication sous-tendu par force kits, argumentaires ou éléments de langage. Cette représentation de la communication, disons-le, est très pauvre et finalement assez peu respectueuse des managers de proximité comme des salariés. La dimension communicationnelle du management est autrement plus riche et porteuse quand il organise le dialogue, la discussion avec les salariés sur les dimensions quotidiennes du travail qui, au passage, ne sont pas sans lien avec des considérations plus stratégiques qui concernent toute l’entreprise (clients, coûts, délais, qualité…). A trop vouloir que la manager ne soit qu’un simple « relais » de communication, on le transforme en une sorte ventriloque et son rôle dans l’interaction avec les salariés en pâtit nécessairement. Le développement de pratiques fondées sur l’échange dans le travail dans plusieurs grandes entreprises (dans les PME c’est en principe plus courant) indique sans doute qu’une inflexion de la communication managériale est en cours. Peut-être le numérique jouera t-il un rôle dans cette réorientation, mais il est un peu tôt pour le dire.

Il y a quelques années, les universitaires Nicole Giroux et Yvonne Giordano distinguaient deux dimensions de la communication dans son rapport au changement : « communiquer le changement » / « communiquer pour changer ». Elles s’appliquent au fond très bien à la communication managériale en haut et en bas.

Ce texte est à paraître dans le livre  » La communication managériale », Thierry Libaert, Karine Johannes, Dunod, 2016

Le marronnier de la fin de la communication interne

S ‘il est un marronnier dans le domaine des débats sur la communication d’entreprise, c’est bien celui de la fin toujours annoncée de la communication interne. Toujours annoncée, mais jamais réalisée. Régulièrement depuis près d’une dizaine d’années, on nous explique que la communication en entreprise est une et qu’il n’y a désormais plus de frontière entre l’intérieur de l’entreprise et son environnement. Foin des distinctions entre l’interne et l’externe, seuls compteraient les « contenus ». Des contenus qu’on voudrait au passage quasi identiques, qu’ils concernent le client ou le salarié.

Comment se fait-il alors que non seulement la communication interne n’a pas disparu, mais que son besoin n’a peut-être jamais été aussi grand et que d’ailleurs elle tend à se développer aujourd’hui bien au-delà de ses champs traditionnels? Bien sûr, l’entreprise n’a cessé de s’ouvrir ces dernières années, ses publics de se diversifier et l’information de circuler largement d’un média à l’autre avec une grande porosité. Bien sûr, cela a des effets sur la façon de concevoir la fonction communication elle-même. Une certaine communication interne cloisonnée, verrouillée, simple voix de son maître au sein de l’entreprise a sans aucun doute vécu, mais pas le besoin de relation, d’échange et de dialogue entre les acteurs, tant managers que salariés. Or, c’est là que tout se joue.

Il y a une fonction proprement sociale de la communication dans l’entreprise qui ne se résout pas à une plate-forme de contenus ou de marques. Elle a à voir avec le lien, le travail, les relations sociales au sens large et c’est de ce côté que la communication interne a non seulement tout son sens, mais un avenir avec d’autres dans l’entreprise (management, RH, acteurs syndicaux). Ceux qui annoncent que « la communication interne est morte» (cf. le n° de la revue « Stratégies » de début septembre) font tout simplement l’impasse sur cette dimension sociale de la communication. Ils en sont encore à prôner une « politique de contenus » espérant sans doute comme toujours capter l’attention des publics à coup d’outils sophistiqués, de storytelling et d’image.

C’est justement parce que les salariés ont des attentes fortes, spécifiques, souvent de nature sociale ou citoyenne qu’il y a peu de chance qu’ils se laissent attraper par les nouveaux habits de cette communication uniforme à vocation quasi publicitaire, censée vendre à l’interne ce qu’elle cherche à promouvoir à l’externe. Si le besoin de communication interne croît aujourd’hui c’est parce que le besoin de faire société en entreprise n’a jamais été aussi fort dans un moment de « grande transformation » où le social compte au moins autant que l’économique. Cette communication interne sera plurielle et en prise avec la société. Elle n’en gardera pas moins des particularités qui tiennent aux enjeux du travail, aux liens sociaux, à tout ce qu’est un collectif, même si ce qui relie un salarié à son entreprise évolue sans cesse.