Avis de grande transformation de la communication en entreprise

Ce n’est pas une mode de plus ou la dernière tendance de com’ en entreprise qui changera quelque chose. Nous sommes face à des enjeux et des crises qui appellent de revoir le logiciel qui a permis l’installation, il y a maintenant près d’une quarantaine d’années, de la fonction communication des entreprises. De nouvelles questions émergent et les amorces d’une transformation sont à l’œuvre dans des pratiques que les communicants eux-mêmes, souvent dans l’urgence, développent aujourd’hui dans la crise.

Il faut se souvenir que les premières directions de la communication voient le jour dans les années 1980 à la suite d’une crise qui a toutes les allures d’une mutation de grande ampleur du capitalisme. Quel est le rôle de la communication ?  Dans la période qui suit les Trente glorieuses, la libéralisation rapide des marchés se traduit par une plus grande concurrence. Et dans un univers plus concurrentiel, il faut pouvoir être repéré, distingué. Conséquence: la communication se donne pour rôle premier de pousser les feux de la publicité et de développer les marques. Les années 1980 s’affirment alors comme les années « pub » par excellence avec une créativité censée « faire briller les yeux », mais avec aussi toutes les scories du modèle. Et puis, loin de l’entreprise communautaire, les organisations s’agrandissent et se complexifient. A la communication de représenter, voire de « vendre » aux différents publics les projets d’entreprise. Enfin, disons-le, l’entreprise est sortie des Trente glorieuses avec une image dégradée, l’après 1968 portant entre autres une double critique à la fois sociale et culturelle du taylorisme. On attend de la communication qu’elle redresse l’image de l’entreprise tant à l’interne qu’à l’externe par une nouvelle circulation de l’information et par des formes de participation des salariés. Depuis, ce logiciel de base a connu de multiples déclinaisons et variations en fonction du contexte, mais le primat de l’image et le formatage des contenus sont restés des constantes par-delà les aléas ou les déploiements des technologies de communication. 

Nous vivons actuellement un moment de bascule qui vient mettre à mal quelques certitudes. Les entreprises sont face à des tensions et des contradictions qu’une image lisse ou un monologue consensuel n’arrivent pas à surmonter. Sans doute est-on au bout d’une certaine vision de la com’ corporate qui cherche systématiquement à expliquer plutôt que de permettre aux acteurs de s’expliquer. Paradoxalement, le grand manque de la communication est aujourd’hui du côté du dialogue. Qu’il s’agisse par exemple pour la publicité de tenir compte des défis du climat, qu’il s’agisse de revenir aux fondamentaux de l’entreprise à travers raison d’être et société à mission, qu’il s’agisse de retrouver une qualité et une sobriété de l’information pour faire reculer infobésité et fake news, on voit bien qu’on a besoin d’autre chose que la réplique du modèle d’origine d’une communication unidirectionnnelle. Qu’elles soient sanitaires ou climatiques, les crises nous confrontent à nous-même et à l’autre dans la société comme dans l’entreprise. Et la part de la communication dans cette confrontation est d’une certaine gravité. Les professionnels de la communication l’ont d’ailleurs bien sentie dans la dernière période. Leurs efforts pour maintenir les liens à l’intérieur de l’entreprise, faire équipe ou plus simplement informer avec le souci de la réception, mieux de l’attention ouvrent manifestement une nouvelle scène pour la communication. A la fois plus responsable , attentive et soutenable, avec le souci d’une cohérence entre le dire et le faire. Décidément, comme hier, les crises accélèrent les transformations.

Illustration: tableau de Kandinsky « Several circles »