Dialogue social: pas sans les salariés!

Le dialogue social souffre en France depuis longtemps d’être par trop enfermé dans sa dimension institutionnelle de face à face entre patronat et syndicats et dans les entreprises entre DRH et délégués syndicaux. Il manque d’air, de respiration, d’ouverture. Certes, le système de représentation construit au fil du temps a une indiscutable utilité, ne serait-ce que d’avoir en toutes circonstances des interlocuteurs et surtout de permettre qu’ils se parlent. Mais paradoxalement, pour cause d’institutionnalisation, voire aussi de fossilisation, on en est arrivé à un point où le salarié est devenu le grand absent des relations sociales. Et de ce point de vue, la récente loi Rebsamen sur le dialogue social ne change pas vraiment la donne car elle maintient pour l’essentiel le confinement des relations sociales.

Or, tout indique que la qualité du dialogue social est étroitement liée non pas seulement comme on le croit trop souvent aux liens entre dirigeants et syndicats, mais plus profondément à la nature des relations entre management et salariés, voire entre salariés eux-mêmes. Dialogue social et dialogue professionnel sont les deux faces des relations sociales, mais nous peinons à articuler ces deux dimensions en raison de logiques territoriales opaques. D’un côté le pré carré des dirigeants et des syndicats, de l’autre celui des managers, alors que les problèmes de l’entreprise et du travail appellent un dialogue revitalisé et réarticulé entre direction, syndicats, managers et salariés. La loi Rebsamen ne fait aucun mouvement significatif vers une nouvelle articulation du dialogue social et du dialogue professionnel, alors même que l’ANI sur la qualité de vie au travail avait en 2013 tenté une timide incursion dans ce sens.

Du côté du dialogue social institué, la situation n’est pourtant pas si dégradée qu’on le dit, tout au moins quantitativement. Bon an mal an, 40 à 45 000 accords d’entreprise sont signés chaque année. En revanche, la négociation au sein des branches professionnelles est plutôt en repli. Quant à la négociation interprofessionnelle, elle reste très dépendante du choix du politique. Mais ce qui frappe par dessus tout dans cette actualité contractuelle, c’est son manque de visibilité, singulièrement en entreprise. Comme si les accords produits étaient en dehors du réel de l’entreprise. Une activité hors sol en quelque sorte. La communication qui en est faite auprès des salariés est un bon indicateur. Or, elle n’est clairement pas à la hauteur des enjeux et des sujets traités. On ne s’étonnera guère ensuite de la déconnexion de l’activité des partenaires sociaux par rapport au vécu des salariés et à leurs attentes.

A noter que dialogue social et communication sont d’ailleurs le plus souvent disjoints en entreprise. Alors que perdure, y compris à l’heure des réseaux sociaux, une certaine conception surannée de la communication interne comme voix de son maître, on voit bien que son avenir devrait être bien plus sûrement du côté de la dynamisation du dialogue professionnel, de la discussion sur le travail au plus près des métiers et des équipes. Et cela, en direct ou avec l’aide du numérique. Un intéressant colloque à l’initiative de l’Afci a réuni sur le sujet en mai dernier des dirigeants, des RH, des communicants et des syndicalistes au Conseil économique, social et environnemental. La plupart des intervenants ont convenu du besoin de faire bouger les lignes et de penser de façon plus globale le dialogue et la communication en entreprise, ne serait-ce que parce que les représentations des salariés évoluent et que les enjeux de performance sont directement liés à ce qui se passe et se passera en matière de qualité des relations sociales dans l’entreprise.