Communication en entreprise: retour aux fondamentaux

On a trop longtemps considéré la communication interne comme la communication externe en plus petit. Or si les mots ont un sens, elle concerne toute la communication, je dirais même toutes les communications, au sein de l’entreprise. Cela va de la parole des salariés dans le travail à l’expression des dirigeants en passant par le dialogue professionnel avec les managers. Il est temps de reconnecter la communication interne avec ces différentes dimensions pour lui donner toute son étendue. Bien au-delà en tout cas de la seule production de supports et de « contenus » avec laquelle on la confond trop souvent.

Dans le livre que nous venons de faire paraître chez Vuibert (Communiquer en entreprise Retrouver du sens grâce à la sociologie, la psychologie, l’histoire), Jacques Viers et moi-même nous revisitons quelques-uns des enjeux de la communication à travers les mouvements des organisations, les mutations du travail, la place du digital, l’évolution du management… Nous le faisons à l’aune de différentes sciences sociales, de la sociologie à l’histoire, de la psychologie aux sciences de l’information et de la communication, de l’ergonomie aux sciences de gestion[1]. Notre propos vise à retrouver de la profondeur en communication, non pour faire savant, mais pour mettre en perspective les pratiques, les relations, les interactions qui concernent tous ceux qui participent à la communication en entreprise, qu’ils soient communicants, managers, responsables RH, syndicalistes et, bien sûr, salariés.

Resituer la communication en entreprise dans le mouvement permanent des organisations demande non seulement de comprendre les enjeux des transformations, mais aussi ce qui est en jeu individuellement et collectivement. Qu’est-ce qui nous arrive au fond ? Comme le disait Edgar Morin « comprendre est à la fois la fin et le moyen de la communication humaine ». Ce ne sont pas les Chief hapinness officers qui vont nous aider à y voir clair ou tout au moins un peu plus clair. L’entreprise, quelle que soit sa taille, est un système social avec ses éléments d’identité, de métier, de culture qui lui viennent en partie de l’histoire et avec ses contingences liées à son écosystème. Comprendre un système productif et son évolution, comprendre comment les individus et les groupes s’y retrouvent ou pas, comprendre le rapport à l’autorité qui prévaut dans l’organisation, comprendre le système de reconnaissance… On ne plaque décidément pas n’importe quel type de culture ou de communication sur une entreprise. Ce n’est pas du prêt à porter, c’est du cousu main. Du cousu main, en connaissance de cause.

Et puis, il y a le travail au quotidien qui révèle un continent de communications et aussi parfois d’incommunications. Cette matière vive est trop souvent ignorée des praticiens de la communication. Or, elle mérite d’être appréhendée avec un regard neuf qui nécessite de se rapprocher du travail réel et des équipes. Là encore, il est question de compréhension de ce que représentent le travail et la possibilité d’en parler entre pairs ou avec le manager. A l’heure où le « bien être » fait l’objet d’une attention nouvelle, on mesure l’importance, y compris en termes de santé, de la parole dans l’activité pour «bien faire ».

Il y a enfin la question du sens qui est au centre de toutes les communications en entreprise. La production du sens procède de la circulation et de l’échange, mais il faut toujours qu’à un moment donné cela fasse sens pour soi dans l’activité. La perte de sens intervient quand on ne s’y retrouve plus dans des univers qui fragmentent et isolent sans possibilité réelle de faire appel à des collectifs ou des solidarités en cas de problèmes. Refaire du collectif, favoriser les coopérations, développer l’échange, mieux encore la discussion, c’est permettre de retrouver du sens et des repères surtout quand ça bouge beaucoup.

Tout ce qui facilite la compréhension sert la communication. C’est plus que jamais vrai en entreprise. Si la communication interne a de l’avenir, c’est bien dans cette approche étendue des communications dans l’entreprise qui nécessite de s’extraire d’une simple logique de diffusion pour reconnaître « l’intelligence de l’autre » et organiser une vraie conversation entre les acteurs de l’entreprise. Ambitieux certes, mais nécessaire et passionnant.

 

 

 

 

[1] C’est au sein de l’Association française de communication interne (Afci), à partir de formations dispensées au cours des dernières années, que nous avons puisé la matière première de ce livre.