Il est temps de soulever le capot du management du travail

Un récent rapport[1] issu de la collaboration entre la Fabrique de l’industrie, Terra Nova et l’Anact établit que la qualité de vie au travail est un « levier de compétitivité ». Le fait de relier ainsi qualité, travail et performance ouvre un véritable espace de réflexion et d’action. Ce rapport nous parle heureusement plus de qualité du travail que de cette approche qui tend à réduire les questions du travail à des dimensions d’ambiance, d’émotion, de bienveillance ou de gentillesse…. Non pas que ces aspects soient sans intérêt, mais ils sont clairement périphériques par rapport à ce qui fait l’essentiel du travail.

Disons les choses nettement, on parle de qualité de vie au travail parce que nous avons, singulièrement en France, un problème avec le management du travail. L’autonomie des salariés y est très relative ; l’éloignement hiérarchique est un sport national très pratiqué ; quant à la confiance des salariés, elle est pour le moins limitée, lorsque l’on voit le management distant prétendre malgré tout à un contrôle hiérarchique de tous les instants…. Peu de place dans tout ça pour un réel accomplissement au travail et pour une reconnaissance à la hauteur des efforts et parfois du « don » fourni par les salariés.

Le constat n’est pas nouveau, ce qui l’est en revanche c’est la conscience des dommages que cette conduite produit sur la performance et la compétitivité des entreprises. Pourtant nos brillants économistes qui excellent en général pour dire les facteurs des fragilités françaises, oublient souvent le facteur travail (sinon pour se plaindre de la réduction historique du temps de travail…) en évitant le problème du management du travail. Or, là réside une part importante de la performance ou plus exactement de la sous-performance. Mais seulement évoquer ce point aveugle ou le questionner s’apparente – logique de l’honneur oblige – à un crime de lèse-majesté. Comme si l’on touchait à un pouvoir régalien.

Le rapport de la Fabrique de l’industrie montre bien que nous devrions collectivement soulever le capot de l’organisation et du management du travail. Les nouvelles frontières de notre compétitivité tournent toutes, on le sait, autour de la qualité. Qualité des produits et services, qualité de la formation des salariés, qualité du travail au quotidien, qualité des relations sociales, qualité de la communication…. Or, devant les défis nous raisonnons encore trop  à logiciel managérial inchangé, un logiciel fondé sur une souveraineté hors d’âge quand le temps est venu d’un vrai dialogue partagé sur le travail.

Ce dialogue est nécessaire pour permettre aux salariés de « bien faire » leur travail. Il est nécessaire pour partager le diagnostic et les enjeux dans la concurrence. Il est nécessaire enfin dans un moment où le pouvoir dans l’entreprise va connaître des transformations qu’appelle une plus grande horizontalisation des relations entre les acteurs. Si le numérique va incontestablement avoir des effets sur le travail, c’est en particulier du côté de la diffusion des savoirs, des compétences et des pouvoirs d’agir. Ceux,  parmi les politiques notamment, qui veulent rétablir le « décret » comme seul mode de gestion du travail et du social font aujourd’hui fausse route en essayant dans les faits de sauver un vieux logiciel.

[1] La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité – Refonder les organisations du travail, Emile Bourdu, Marie-Madeleine Péretié, Martin Richer, Presses des Mines, 2016