Misère de la com’ politique et effets sur la communication d’entreprise

 

La longue séquence que nous vivons entre élection présidentielle et législatives offre l’occasion de s’interroger sur la com’ politique et les incidences sur la communication d’entreprise. Et cela d’autant que plusieurs éminents représentants de cette communication politique ont connu des épisodes difficiles et, pour tout dire, des échecs : Stéphane Fouks avec Manuel Valls ou Anne Méaux avec François Fillon. Comme ils sont par ailleurs des conseillers écoutés de beaucoup de patrons du CAC 40, il n’est pas sans intérêt de voir où ils en sont.

Stéphane Fouks vient de donner un long et intéressant entretien dans la revue Le Débat de mars 2017 qui permet de faire le point. On perçoit dans ses propos le malaise du communicant dont l’image sort écornée des épisodes politiques récents. Selon lui, les échecs sont d’abord imputables aux politiques qui seraient par trop sous l’emprise des médias et des sondeurs. Pas faux. Un peu court tout de même quant à la responsabilité trop vite éludée des communicants eux-mêmes et de leur stratégie d’image. Stéphane Fouks plaide pour une fonction d’équilibre du communicant entre l’émetteur et le récepteur qu’il s’agirait de libérer l’un et l’autre du diktat des médias et de l’opinion. Très bien. Mais en communication il reste un défenseur farouche du marketing de l’offre à travers la construction de l’image. Et là, pour tout dire, le propos ne convainc guère quand il nous confie que les politiques s’exonèrent trop de la vérité. Peut-être, mais on connaît aussi tous les procédés et autres artifices des promoteurs du storytelling politique qui jouent avec une conception très relative de la vérité, mettant le supplément d’âme bien au-delà du vrai. Avec les effets que l’on sait. Les récents événements, mais aussi sans doute  une série d’épisodes plus anciens avec quelques politiques en déroute amènent Stéphane Fouks à nous dire aujourd’hui que la communication politique n’est plus tout à fait le laboratoire qu’elle a été. Dont acte.

Quelque peu déçu des politiques, sans doute pas assez des conseils qu’il leur a prodigués, Stéphane Fouks loue les entreprises qui, elles, auraient compris de quoi il retourne en matière de communication. Elles seraient bien plus matures s’agissant de l’éco-système de la com’. Plus conscientes de ce qu’est leur « sphère relationnelle ». Plus proches de la vérité que les politiques. Voire. Il a un peu trop tendance à leur attribuer des vertus qu’elles n’ont pas toujours dans la réalité. Il reste quoi qu’il en soit un farouche partisan d’une communication des entreprises « point de rencontre entre la vérité et le désir ». Si la formule ne manque pas de panache , elle recouvre par delà l’intention affichée de vérité une croyance immodérée dans l’image, la prévalence des logiques de marque et la construction d’une communication qui fond les publics au nom d’une représentation quelque peu mythifiée de l’entreprise. Cela fait plus de trente ans que sous différentes formes ce logiciel est à l’œuvre. Il puise dans le vieux fonds des pères de la publicité, de l’influence, et des relations publiques (cf. le livre d’Arnaud Benedetti La fin de la com’ aux éditions du Cerf qui nous rappelle utilement l’empreinte d’Albert D. Lasker, Ivy Lee et Edward Bernays sur la com’ d’aujourd’hui).

Rendons justice à Stéphane Fouks du fait qu’il ne se laisse pas trop griser par la déferlante digitale. Ce qu’il dit sur les limites de la rationalisation par les big data est pertinent. De même sent-il bien les déplacements des rapports de forces entre consommateurs, clients, salariés et entreprises. Il évoque aussi la communication d’engagement fondée sur le pouvoir de décider des acteurs, mais il n’en tire guère de leçon en vue d’une communication s’appuyant vraiment sur ces nouveaux rapports sociaux. Sa logique d’offre de communication reste pour l’essentiel arrimée à l’image, à une image à vrai dire assez surfaite. Image qui a pourtant connu bien des ratés dans le champ politique comme dans les entreprises…