Communication: la question du dire et du faire

« Il a parlé et ce fut fait. Il a commandé et ce fut réalisé ». Ce psaume XXXIII, 9 de la Bible évoque la relation entre la parole et l’action, en même temps que la toute puissance divine à dire et à faire ou à faire faire. Nous sommes aujourd’hui dans une société où la parole politique autant que celle du management non seulement ne se transforme pas en or, mais peine à se traduire en acte. Elle dit,  beaucoup, parfois même trop, mais les actes ne suivent pas ou mal. L’époque que nous vivons a certes rendu plus complexe l’art de gouverner. Il reste que la difficulté de la communication politique et de la communication en entreprise se révèle chaque jour un peu plus, notamment dans son rapport à l’action.

Des stratégies de communication très élaborées ont pu, un temps, faire illusion, mais «l’amour des images, la passion de ressembler, l’art d’apparaître » (Pierre Legendre) ont encore accru la distance entre le dire et le faire tant la recherche de la séduction l’a emporté sur la volonté et la capacité de transformation réelle. Des mots non suivis d’effets ou, pire, des mots suivis d’effets contraires à ceux promis ou attendus. Nous nous sommes petit à petit habitués à ce jeu de dupes, mais on en connaît les conséquences ravageuses sur la démocratie, le crédit des dirigeants et, finalement, le cours des choses. Les mots perdent de vue l’action.

Certains attendent toujours de la prochaine technologie ou de nouveaux dispositifs la résolution de ce type de problème. Comme par miracle en quelque sorte. La révolution numérique serait-elle en soi une nouvelle frontière pour la communication ? Elle pourrait l’être, mais à condition de relier autrement les mots et l’action. Et cela ne dépend pas fondamentalement de la technologie, même si ses attributs peuvent aider. Le rapport entre le dire et le faire est d’abord un choix politique autant que managérial. Autrefois, on parlait de « communication par la preuve ». On pourrait dire aujourd’hui que le plus urgent est une communication par l’action…

Notre tradition veut que le verbe soit premier. Soit. Mais dans le cas de la communication politique ou managériale, on veut des preuves tout de suite pour accorder un quelconque crédit au discours tenu tant on a voulu nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Alors, pour que les citoyens se mobilisent, pour que les salariés s’engagent, des actes doivent être posés. « Le primat de l’action ayant en quelque sorte fonctionné, l’individu s’inscrit alors dans un cours d’action et devient aussi plus réceptif à une démarche argumentative » (Françoise Bernard). En somme, pour que la communication « passe » (Bernard Emsellem), encore faut-il avoir fait la preuve de sa capacité d’action. C’est ce que développent aujourd’hui des chercheurs en sciences de la communication et en psychologie sociale. Ils oeuvrent dans des domaines tels que la santé, la culture, l’environnement ou la citoyenneté, parlant à ce propos de « communication engageante ». Il y a là en tout cas les prémices de liens nouveaux entre le dire et le faire,  entre l’action, le sens, les valeurs, les savoirs.

Quand le changement devient mouvement permanent, l’écart croissant entre le dire et le faire est difficile à supporter, pour ne pas dire insupportable, car il ne permet pas la prise de conscience de l’intérêt de changer. Il est à l’origine de blocages et nourrit à juste titre la suspicion. Revaloriser le « faire », voilà qui peut remettre la communication au coeur de l’action et non en surplomb ou hors-sol.