Communication interne: quand l’épreuve fait rebondir un métier

Un an après, quelque chose a changé dans le monde de la « com’ » d’entreprise. On vantait hier encore un modèle tout en un de la fonction communication où primaient surtout la réputation, l’image et la publicité. On perçoit aujourd’hui que c’est à l’intérieur de l’entreprise que se joue l’essentiel, y compris vis-à-vis de tous les publics et parties prenantes. Déplacement notable de la focale qui met l’accent sur les liens à tisser ou à retisser, la force des relations de travail et la parole des acteurs. 

La crise est passée par là qui demande de faire corps dans un moment difficile et met en avant tous les créateurs de liens. Les communicants internes occupent une place médiatrice singulière et indispensable dans le moment que nous vivons. Ils ne sont pas si nombreux celles et ceux qui peuvent être tout à la fois proches des instances de direction et du cœur des métiers, au plus près de la décision et de la parole des managers et des salariés. Le rôle occupé pendant la crise leur offre de belles opportunités professionnelles pour demain. Elles concernent à la fois la régulation des différentes communications dans l’entreprise, l’accompagnement des transformations du travail, la capacité à maintenir le collectif et le commun en particulier avec les managers.

S’agissant de l’information par exemple, la crise a déplacé les lignes avec une nette tendance à s’extraire de la logique des contenus en continu (la fameuse content factory…). L’infobésité et la langue de bois passent très mal en période difficile. Les salariés ont d’autres chats à fouetter que de faire le tri dans l’avalanche et la gravité de la situation rend insupportables nombre d’éléments de langage. D’où la recherche d’une plus grande sobriété et qualité dans l’information. Les communicants internes ont sans doute été les premiers à sentir que l’overdose ajoutait de la crise à la crise. Il en restera quelque chose. On aura du mal à revenir au robinet de contenus le plus souvent indifférenciés. Il restera aussi un besoin de mieux distribuer la parole au sein de l’entreprise et pas seulement de privilégier la parole de tête.

A propos des changements du travail, l’épreuve a rapproché comme jamais les communicants des réalités du travail et de la communication dans l’activité des équipes. Un travail largement chamboulé, dégradé, distancié. Plutôt que de se situer en surplomb, les communicants ont su se rapprocher des métiers confrontés à des changements brusques, des coupures fortes (opérationnels/ supports, back office/ front office…). Un des rôles des communicants a été de favoriser la visibilité des métiers. Cette mise en visibilité du travail réel fera d’autant plus partie de la mission des communicants qu’ils en ont les outils et le fait qu’ils aient progressé dans la dernière période en termes de connaissance des réalités professionnelles est plutôt de bon augure.

Souvent évoquée, à défaut d’être toujours convaincante, la communication managériale a été questionnée au cours de cette année. La réalité a fait ressortir des difficultés dans la crise pour les managers de proximité (pas toujours habitués à jongler avec le digital et surtout avec le management à distance). Ils ont témoigné de phénomènes d’isolement. Les nouveaux rapports entre distance et proximité interpellent des managers habitués au contact, voire à l’informel ( « comment garder sa porte ouverte à distance… » me disait récemment un manager). Les communicants, comme les RH d’ailleurs, ont su à de nombreuses occasions jouer un rôle d’appui auprès des managers. Appui à la dimension communiquante de la fonction managériale, en sachant que la communication managériale ne se limite pas à la transmission des messages. De nouveaux liens de confiance ont pu être noués dans la crise.  Cela laissera des traces. Les reconfigurations des modes de travail et des équipes, les remises en question des unités de temps, de lieu et d’action sont affaires de management tout autant que de communication. 

Dernière remarque: alors que la période est difficile, usante souvent, les communicants internes au même titre que d’autres ont souffert, mais il se sont senti « utiles », ce qui leur a souvent donné des ailes. Beaucoup de choses ont été inventées au fil des jours de crise. Preuve d’une vraie dynamique de métier en cours, avec un engagement aligné sur le rôle que ces professionnels considèrent être le leur et que les circonstances ont permis de renforcer. De récents webinaires de l’Association française de communication interne (Afci) en ont témoigné. Un métier, ça s’éprouve aussi dans l’épreuve.

Illustration: tableau de Fabienne Verdier