Communication en entreprise: changement de paradigme

D’importantes transformations s’opèrent en ce moment dans la communication en entreprise. Ce qui paraissait acquis depuis une trentaine d’années qu’existe la fonction communication se trouve bousculé par différents acteurs, en partie sous l’effet de techniques, mais plus fondamentalement de rapports sociaux nouveaux.

La communication est devenue une fonction partagée et c’est tant mieux

D’une certaine façon, la fonction communication est aujourd’hui relativisée par le fait que de plus en plus d’acteurs communiquent au sein de l’entreprise. C’est vrai du management, c’est vrai des RH, c’est vrai des syndicats et c’est surtout vrai des salariés. Sans parler des parties prenantes externes qui interviennent au sein même de l’entreprise. L’extension du territoire de la communication est devenue une réalité du travail que vient renforcer le digital. En l’occurrence, ce n’est pas le digital qui crée la communication, ce sont les acteurs qui se saisissent ou non du digital pour communiquer. L’entreprise en tout cas ne peut plus prétendre à « une » communication, mais est devenue le lieu où « des » communications interagissent. Et en soi, disons-le, c’est une bonne nouvelle qui déplace le centre de gravité de la communication de l’image vers le social, c’est-à-dire d’une conception unique et surplombante vers une approche plurielle et dynamique. Voilà qui fait vieillir très vite les conceptions instrumentales et descendantes de la com’. Le problème est que dans nombre d’entreprises on cherche encore à s’accrocher aux artefacts, à la langue de bois et autres éléments de langage pour tenter de garder la main au lieu de favoriser les conversations, y compris quand elles sont soutenues, voire critiques. Un des enjeux parmi les plus importants est sans doute ce qui se joue au cœur du travail à travers la parole des salariés. Il y a là un champ considérable que les professionnels de la communication doivent investir ou réinvestir avec d’autres (managers, RH, syndicats…). C’est là que se joue en vérité le partage de la communication. Trop d’entreprises souffrent encore d’un « silence organisationnel » pesant sur fond de communication parfois bruyante, mais cadenassée.

 La communication et l’engagement participent d’un nouveau rapport social

Devant la demande croissante de sens du travail et de sens au travail, la fonction communication est souvent requise pour communiquer les objectifs, la stratégie, la «vision » des dirigeants. L’exercice, sans aucun doute nécessaire, est devenu tout à fait insuffisant du point de vue du sens. Pour une raison principale que les dirigeants ne prennent guère en compte : il se situe dans la verticalité du rapport de subordination, là où la demande est de partager le sens de façon plus horizontale, y compris avec les dirigeants. Ce n’est à vrai dire pas une question d’outils, le numérique horizontalisant de plus en plus les liens. Ce n’est pas comme le prétendent certaines agences une question de « contenus » dont on attend tout et son contraire. Ce qui est en cause, c’est un certain rapport social en même temps qu’une conception du travail. Il est intéressant de noter combien l’engagement des salariés, loin d’être une clause de style est désormais un besoin vital pour les entreprises eu égard aux enjeux de compétitivité, de performance et d’innovation. Mais l’engagement ne saurait se nourrir de la seule diffusion des «contenus» et encore moins de la soumission aux injonctions. Il faut tout autre chose, en particulier une capacité d’intervention et de décision sur ce que l’on fait et comment on le fait. C’est cela qui est aujourd’hui au centre du travail. Bref, la communication doit aller de pair avec une vraie réappropriation. La poussée, n’en doutons pas, sera de plus en plus forte en ce sens. Et cette intervention du salarié sur son travail passe entre autres par un renouvellement des formes et des espaces de la communication au cœur même de l’activité.

Le communicant : de la transmission à la médiation

De simple porteur, transmetteur et traducteur de la « ligne du parti », il est en passe de devenir un acteur au cœur d’une pluralité de communications. Il est de moins en moins celui qui porte un cadre de vérité ( les fameux « contenus ») et de plus en plus celui qui est au cœur d’un cadre de pluralité, organisant, facilitant, ouvrant les possibles. Longtemps gardien des codes symboliques et langagiers (y compris, convenons-en, de la langue de bois), son rôle évoluera vers celui de médiateur des communications. Bien sûr, les choses ne changent pas du jour au lendemain, mais ce rôle de « marginal sécant » qui suppose attachement et détachement est une force pour l’avenir du métier de communicant. Une force qui demande un positionnement plus « politique » et des compétences « sociales » qui vont bien au-delà du maniement des outils, des supports et des contenus. C’est exigeant sans doute, ça met parfois en porte-à-faux vis-à-vis des représentations qu’ont les dirigeants de la communication, mais c’est le sens des transformations culturelles et professionnelles. Et cela d’autant que les salariés sont de moins en moins prêts à s’en laisser conter…