« Histoire d’E »: ouvrir en grand le livre d’histoire de l’entreprise

Saint Gobain fête cette année ses… 350 ans.  EDF aura l’an prochain 70 ans. Une occasion, bien sûr, pour ces grands groupes industriels de taille internationale de revenir sur leur histoire, leur « mémoire longue » pour mieux se projeter dans l’avenir. Une belle occasion aussi de communiquer sur leurs atouts à partir de leurs racines. Ces événements ne doivent pourtant pas cacher que l’histoire des entreprises reste encore quelque peu dans l’ombre. L’historien Patrick Fridenson rappelait récemment qu’elle a vu le jour aux Etats-Unis dans les années 20 avant de gagner dans les années 60 l’Europe et le Japon. Pour autant, malgré un nombre de thèses ou d’ouvrages en croissance, son caractère singulier et central n’a pas encore été vraiment reconnu par l’histoire générale. Peut-être un effet de l’interdisciplinarité nécessaire dans le champ de ce que Marc Bloch appelait « l’action économique ». Le besoin d’histoire à vrai dire croît à mesure de la transformation des entreprises et des métiers. Retrouver la trace d’une entreprise n’est pas seulement affaire de célébration anniversaire, aussi importante soit-elle. C’est plus profondément chercher à comprendre, à travers faits, écrits et événements, ce qu’a été le chemin à la fois économique et social. Avec ombres et lumières. Et c’est là sans doute que l’histoire est d’un apport majeur. Une récente livraison de la revue Sociologies pratiques autour du thème « Histoire, mémoire et passé au cœur des organisations » donne bien la mesure de ce que représente l’histoire de cette construction économique et humaine qu’est l’entreprise. Ce peut-être bien entendu un outil stratégique de légitimation du pouvoir ou bien un élément de cohésion interne dans le parcours quelque fois sinueux de l’entreprise. Ce peut-être aussi l’occasion d’une réaffirmation de la place des contre-pouvoirs sociaux ou professionnels. Ce peut-être enfin un moyen de dévoilement de facettes jusque-là restées cachées ou obscures. Bref, l’histoire des entreprises, comme la vie même de celles-ci, est un enjeu multiple et complexe. Un enjeu à la mesure du rôle, on peut même dire de l’emprise, de l’entreprise dans nos sociétés.

La communication est d’abord une question sociale !

Sauf à considérer qu’il ne s’agit que d’outil et de transmission, toute la discussion actuelle sur le digital et son déploiement dans la société et l’entreprise nous ramène à la dimension sociale de la communication, c’est-à-dire au rapport à l’autre. Or, c’est cette dimension qui a été galvaudée et niée avec la com’ qui n’a quasiment eu comme seule finalité que de porter l’image de soi dans un singulier jeu de miroir, reproduisant le même, plutôt que d’affronter l’altérité. La fonction com’, ne l’oublions pas, est née en entreprise dans les années 80 dans les bagages des relations publiques et de la publicité avec une mission d’image bien précise : valoriser l’entreprise à travers de multiples actions, opérations ou supports tant internes qu’externes. Cette dimension a perduré dans les années 90 avec la communication « corporate », certes plus globale, plus sophistiquée, mais toujours fondée sur le paradigme de l’image, de l’image valorisante et flatteuse. Or, tant les transformations du travail, les mouvements à l’œuvre dans les organisations, la place du client font émerger chaque jour un peu plus la communication au sens d’interaction, de relation, de coopération. Bien loin à vrai dire des motifs dominants de la com’. Plus nous avançons dans l’entreprise, univers de services, y compris dans la sphère industrielle, plus nous identifions la part croissante de communication qui la constitue au plus profond. L’entreprise a plus qu’hier la forme d’un réseau ; son organisation est plurielle ; les interdépendances et les interfaces se multiplient… Tout cela fait croître la communication au sens d’interaction. Plus « ouverte », l’entreprise est en relation avec quantité d’acteurs, quantité de parties prenantes comme on dit, avec lesquels elle entretient des relations, des échanges, vit des conflits, des tensions, négocie en permanence. Bref, ça communique beaucoup plus. En interne, la dimension sociale de la communication est une réalité du travail au quotidien. A l’externe, la dimension politique de la communication s’étend, l’entreprise occupant des territoires autrefois dévolus au politique. Le digital s’inscrit dans cette transformation de la communication. Ceux qui voudraient penser et organiser le digital comme un outil de la com’ font fausse route et paradoxalement en ferait un obstacle à la communication. Ce qui advient avec le digital, même avec toutes ses scories, ne peut qu’accélérer la réflexion sur le sens avant tout social de la communication. Tant mieux.