A l’heure des réseaux sociaux, quelle est l’attitude des entreprises vis-à-vis de leurs salariés ? La question se pose tant à l’externe qu’à l’interne.
A l’externe, c’est la réputation de l’entreprise qui est en jeu, son capital d’image et tout ce qui vient troubler cette image pose problème. Quand ils s’expriment à l’externe à propos de leur entreprise sur les réseaux sociaux, les salariés sont censés en dire du bien, en vanter les mérites. On les sollicite même de plus en plus dans un rôle dit d’« ambassadeur ». Mais il arrive que les salariés s’expriment sans aménité. Hormis quelques cas isolés, c’est le plus souvent une parole collective qui s’exprime là, notamment en période de conflit ou quand le dialogue social est de mauvaise qualité. Les salariés prennent la parole sur les réseaux sociaux dans une logique d’alerte ou de dénonciation. Ils savent que ça fait mal à l’entreprise. Ils sont conscients de leur pouvoir de nuisance. Et c’est ce qu’ils recherchent en prenant à témoin l’opinion. Plusieurs conflits ces dernières années ont révélé ce type de pratiques, avec ou sans l’aval des représentants des salariés. En clair, les salariés s’autorisent à s’exprimer dehors sur les réseaux sociaux de façon négative quand ça ne va pas dedans. Il y a dans ce cas une externalisation des relations sociales. Ca ne date pas des réseaux sociaux, mais ceux-ci ont la particularité d’amplifier l’impact externe.
Et à l’interne ? Nombre d’entreprises se dotent aujourd’hui de réseaux sociaux d’entreprise (RSE), participant ainsi à la « transformation digitale ». Ces réseaux se présentent comme des plateformes permettant le décloisonnement des échanges, l’expression directe, le travail collaboratif… Les entreprises qui y recourent mettent en avant ces fonctionnalités escomptant une transformation des formes de la communication. La réalité oblige à dire qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que la transformation culturelle ne tient pas aux fonctionnalités des outils. Une étude récente menée dans un grand groupe du CAC 40 (cf. « Les réseaux sociaux numériques. Vers un renouveau de la communication dans les entreprises ?» in Sociologies pratiques n° 30, 2015) est éclairante. Outre le fait d’une sous-utilisation manifeste du RSE et encore par une population spécifique (les cadres), le réseau ne modifie guère les pratiques existantes. Quand ils sont plaqués sur une réalité culturelle interne qui demeure hiérarchique et pyramidale, les réseaux sociaux internes ne marchent pas vraiment. Les salariés se trouvent en situation d’injonction paradoxale : « communiquez…, mais surtout respectez les ordres ». Alors, ils ont tout simplement tendance à laisser de côté ces nouveaux outils.
Le fond du problème dans les entreprises est le statut de la parole des salariés et du dialogue professionnel. Quand celui-ci existe dans le travail, quand il y a une certaine subsidiarité dans les équipes, alors les salariés s’autorisent à parler en réunion, entre pairs, mais aussi avec le management. Ils peuvent alors plus facilement envisager de s’exprimer sur le travail dans des communautés sur les réseaux sociaux. En clair, les réseaux sociaux internes ne sauraient à eux seuls régler un comportement managérial descendant, pour ne pas dire condescendant et un défaut de communication dans le travail. Ils ne peuvent au mieux que venir en appui d’une démarche reconnaissant la parole des salariés comme un élément-clé à la fois pour la qualité du travail et pour la performance.
Les entreprises gagneraient à appréhender la question des réseaux sociaux en relation certes avec leur stratégie globale, mais aussi à partir de leur approche managériale et sociale. A l’externe, un salarié se fait volontiers « ambassadeur » quand l’entreprise le mérite et quand lui-même est reconnu pour sa contribution. Bref, quand la confiance est là. En même temps, il est parfaitement illusoire d’escompter une expression externe positive quand les relations sociales sont inexistantes ou dégradées. A l’interne, les réseaux sociaux se greffent mal sur un corps hiérarchique et bureaucratique. L’ouverture d’espaces de discussion sur le travail dans les équipes est sans doute un préalable à une véritable prise en mains des réseaux sociaux par les salariés. Question de confiance là encore.
Nous pourrions aussi penser que les salariés peuvent avoir peur d’être surveillés par leur entreprise sur les réseaux sociaux 🙂
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