Communication et engagement: nouvelle donne en entreprise

L’engagement a des allures de « Graal » en entreprise. On attend des salariés qu’en toutes circonstances ils s’engagent dans leur travail, pour l’entreprise, au service du client… La transformation de la production en un monde de services en fait une sorte d’impératif. Au point que la plupart des grands groupes se sont dotés ces dernières années d’enquêtes dites d’engagement pour suivre au plus près l’état d’esprit du corps social et surtout sa disponibilité à s’engager. Le problème est que l’engagement ne se décrète pas. Trop de fausses évidences et de raccourcis en termes de management ou de communication circulent sur le sujet. L’engagement en entreprise suppose quelques prérequis. Des prérequis qui ont largement à voir avec ce qui se passe dans la société.

Toutes générations confondues, jamais autant de gens ne se sont engagés dans la société civile pour des causes auxquelles ils tiennent dans les domaines de l’environnement, de la solidarité, des droits humains par exemple. Engagement bénévole fondé sur la liberté de décider et d’agir de chacun. Les entreprises ont pris la mesure de ce que représente cet investissement de la part de ceux qui, par ailleurs, sont leurs propres salariés, mais elles n’en ont pas encore tiré tous les enseignements pour ce qui les concerne. Les freins à l’engagement dans l’entreprise sont nombreux, notamment le modèle hiérarchique, la logique très française de l’honneur et du rang, sans oublier le rapport de subordination. En clair, les ressorts de l’engagement dans la société se fondent de moins en moins sur la contrainte et l’obéissance, mais les façons de manager et de communiquer en entreprise demeurent marquées par une empreinte de verticalité souvent hors d’âge.

Dans le management, la distance n’est pas le moindre des facteurs de désengagement. Dans le champ de la communication, il ne suffit plus de communiquer d’en haut ou de dire pour convaincre. Or, ces deux registres sont toujours sollicités pour tendre à l’engagement. Comme si la parole d’autorité ou la seule argumentation, voire la séduction pouvait encore transformer vraiment les comportements. La communication fondée sur l’autorité et la subordination a longtemps dominé, mais aujourd’hui dans les sociétés démocratiques on n’obtient plus guère d’engagement sous la contrainte. On a connu ensuite la communication de persuasion. Le discours, le message est censé produire un comportement. Or, l’expérience montre qu’entre le message et le passage à l’acte, il y a un fossé qui tient entre autres à la crédibilité de celui qui émet.

On sait depuis les recherches du psycho-sociologue Kurt Lewin auprès de différents groupes dans les années 1940 aux Etats-Unis que les choses sont infiniment plus complexes. Pour s’engager, il faut toujours que l’individu à un moment donné décide d’agir et dispose donc d’une liberté pour le faire. On n’a pas encore suffisamment exploré en France la voie d’une « communication engageante ». Les travaux de Robert-Vincent Joule[1] montrent que la communication engageante se fonde d’abord sur la capacité et la décision d’agir de chacun. Ce n’est pas le dire qui est premier, mais la capacité et la décision de faire. Ce qui compte, c’est de peser sur ce que les gens peuvent faire. Au passage, la capacité d’agir tant des citoyens que des salariés s’est diffusée dans la société et dans l’entreprise avec les compétences et l’accès aux connaissances.

L’engagement appelle un nouveau rapport social, plus horizontal et plus en proximité. La communication engageante est à mettre en lien avec la capacité des salariés de décider et d’agir au niveau où ils peuvent le faire. D’où dans l’entreprise l’intérêt de développer des espaces et des temps en proximité pour évoquer le travail, les problèmes, prendre des décisions. L’engagement passe par un accroissement du champ de la subsidiarité laissée aux salariés au cœur de leur travail. Rien de plus, mais on sait que c’est déjà beaucoup tant le lâcher prise managérial est difficile en France.

[1] On lira avec intérêt le livre de Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, PUG, 2002. Par ailleurs, l’Afci  a organisé le 17 mars  une intéressante rencontre sur le thème de la communication engageante avec la participation de Robert-Vincent Joule

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